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UNE FIN CONTROVERSÉE

 

 

 

 

 

Les réactions du public

Comme pour toutes les séries populaires, le diffusion d'Evangelion entraîna de nombreuses réactions du public japonais, réactions véhiculées par la presse (dans des magazines comme NewType...) ou sur le net, un peu comme c'est le cas aux Etats-Unis où les spectateurs réagissent au fur et à mesure qu'ils voient les épisodes de leur série favorite à la TV (X-Files et autres). Mais, de par sa fin hors norme, Eva est probablement celle qui a généré, dans le cercle des anime-fans, la polémique la plus importante. Car contraierement aux apparences, les fans d'anime sont probablement le public le critique à leur encontre...

Parmi les points les plus commentés, on citera la personnalité des personnages. Parfois les spectateurs se contente de les critiquer ou de les psychanalyser. Ainsi certains ont-ils eu envie de "baffer" Shinji, et se sont désolés de voir à quel point il pouvait être poltron et dépendant. D'autres se sont dits littéralement captivés voir même parfois inquiétés par le personnage de Rei, ou encore enthousiasmés ou choqués par le caractère enjoué d'Asuka. D'autres fois ils s'y identifient, et expliquent en quoi ces personnages font évoluer leur vision du monde.

L'autre point le plus débattu est bien évidemment le développement du scénario en lui-même, et là encore les avis sont partagés. L'opinion globalement exprimée est que la qualité du scénario ne cesse de s'améliorer au fur et à mesure des épisodes. L'épisode le moins apprécié étant l'épisode 4, dans lequel il ne se passe pas grand chose..., et le plus apprécié l'épisode 24, avec l'arrivée du dernier Ange. Chaque rebondissement important dans l'histoire, comme la livraison d'Adam à Gendô, la découverte de Lilith dans le Terminal Dogma par Misato, le masacre de l'Eva-03, la fusion de Shinji avec l'Eva-01, la descente aux enfers d'Asuka, le secret dévoilé de Rei ou la mort de Kaoru, sont autant de sujets sur lesquels les fans n'ont pas manqué d'exprimer leur surprise, leur enthousiasme, leur tristesse, leur angoisse vis à vis des épisodes à venir. Pour quelques échantillons de ces réactions, je vous invite à lire les dernières pages de l'art-book 100% NewType, publié chez Glénat en Français sous le titre "Le Grand Livre de Neon Genesis Evangelion."

Venons en maintenant à ce pourquoi le succès d'Eva est devenu aussi polémique: sa fin. Comme vous le savez, au lieu de nous livrer dans les derniers épisodes le dénouement à rebondissements multiples, riche en action, en intensité dramatique, que tout le monde attendait (et qui d'ailleurs était prévu dans le projet initial), Anno a préféré un huis-clos, dans lequel Shinji se livre à une profonde introspection deux épisodes durant, et qui ne nous laisse qu'entrevoir les bouleversements tant désiés comme la mort de Misato ou de Ritsuko. Deux dominantes aux réactions du public par rapport à ce choix.

Il y a d'une part ceux qui y sont favorables. Ils y voient d'abord un message de la part de l'auteur, celui de ne pas rester enfermé à regarder passivement des dizaines d'anime, ignorant le reste du monde. Et ils y voient aussi une originalité bienvenue, parce qu'après tout ce qui compte ce n'est pas l'aspect matériel des choses, mais ce que ces choses provoquent comme sentiments. Ainsi les sentiments des personnages tels qu'ils nous sont dévoilés dans la série sont-ils au moins aussi importants que le dénouement du scénario.

Il y a d'autre part ceux qui n'ont pas apprécié cette fin hors du commun. Ceux-ci ce sont dits déçus, parfois même trahis. Ils sont restés sur leur faim. Après 24 épisodes pendant lesquels le suspens devenait insoutenable, Anno ne leur a pas divulgué la fin de l'histoire. Viennent alors des critiques sur la forme, dont l'aspect précaire serait selon eux due à un manque de budget et à un retard dans le planning.

Tous partagent néanmoins une chose: la surprise devant quelque chose d'aussi hors du commun. Et ce qui est remarquables, c'est que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, il y a parmi les otaku beaucoup plus de mécontents que parmi le grand public, celui qui n'est pas particulièrement fan d'anime et a regardé Eva comme une curiosité ou à cause de la réputation de ses créateurs.

Reste enfin le cas du film, The End of Evangelion. Là encore plusieurs positions sont à distinguer. Pour les plus extèmes, ce film n'aurait jamais du exister: il fallait laisser la fin d'Evangelion telle que l'avait voulue son créateur; et ce film ne fait que le trahir, montrant ce qu'il n'avait pas voulu montrer, à savoir une véritable tuerie et un vulgaire spectacle visuel comme on en voit tant. Pour d'autres, ce fut la satisfaction de voir ses attentes enfin comblées, avec une explication aux questions restées en suspens et un final apocalyptique digne de ce que laissaient entrevoir les derniers épisodes "normaux" de la série.

quoi qu'il en soit une chose est sûre: jamais une série n'avait fait autant couler d'encre qu'Evangelion. Certes sujette à polémiqe, elle n'en est pas moins de l'avis du grand public comme de celui des spécialiste considérée comme l'une des plus grandes, sinon la meilleure, série d'animation japonaise de tous les temps. Rien que ça...

 

 

 

ENTRETIEN AVEC ANNO Hideaki - JUIN 1996

"Eva" était le "projet de complémentarité du monde de l'animation" de Hideaki ANNO !

Plus un enfant, pas encore un adulte... Les "quatorze ans" symbolisent les problèmes de cœur.

Neon Genesis Evangelion est une grande vague qui a pris naissance, voici environ dix ans, dans la mer de l'Anime. Déjà 17 ans depuis le début de la première série de Kidô Senshi Gundam. Une époque où les adolescents remplissaient les salles de cinéma pour voir Uchû Senkan Yamato ou Ginga Tetsudô 999. Comme on dit: les années qui encadrent l'anime boom de 1980. Pour la plupart, nos lecteurs actuels n'étaient pas nés ou étaient encore bébés, et en ce temps là, tous les adolescents acceptaient sans réticence les dessins animés.

Peu après, pour ces adolescents, regarder un anime devint quelque chose de "spécial".

Au milieu des années 80, avec l'apparition de l'OAV, l'animation japonaise commença à s'adapter aux besoins des fans et, insidieusement, devint un genre que le grand public ne pouvait plus regarder.

Bien sûr, Sailor Moon et Dragon Ball sont populaires. Mais ce sont des oeuvres que l'on étiquette "strictement réservé aux enfants".

Bien sûr, les films de Hayao Miyazaki (et du studio Ghibli) attirent chaque été les spectateurs dans les salles. Mais ce sont toujours des films que l'on va voir en toute confiance, même "en amoureux". Ce ne sont absolument pas des oeuvres "pour anime-fans".

On en parle en arguant que le grand public, tout comme les anime-fans, les trouvent extra. Et chaque sortie de ces films est attendue avec impatience.

Non seulement les anime-fans, mais aussi les enfant "normaux", les adultes sensibles, et les fans d'il y a dix ans qui sont revenus à l'animation, tous ont soutenu Eva avec enthousiasme. Et encore maintenant, alors que la diffusion de la série à la télé s'est achevée, le mouvement continue de s'étendre.

Voilà un mois que la fin de la série a été diffusée, depuis le dernier épisode si ardemment controversé, sans que les mystères soient éclaircis. Celui-ci étant passé d'un emploi du temps chargé à une certaine routine, nous avons pu nous entretenir avec le réalisateur, Hideaki Anno.

"Mon humeur du moment ?... Je suis très fatigué. (rires)"

Après nous avoir dit cela, Hideaki Anno commença à nous parler en choisissant ses mots avec prudence.

"L'élaboration d'Evangelion me donne la sensation d'un concert "Live". Que ce soit l'histoire ou l'élaboration des personnages, je les avais fait sans théorie. Durant la réalisation, tout en écoutant des avis divers, tout en analysant moi-même mon état d'esprit, je me remettais en question. J'allais chercher les concepts à partir de cet inventaire. Au début, j'ai pensé produire une simple oeuvre mettant en scène des robots. Mais quand le décor principal devint un lycée, cela ne changeait rien par rapport aux autres productions du même style. A ce moment là, je ne pensais pas encore vraiment à créer un personnage principal possédant deux visages, deux identités: à l'école et dans son organisation. L'impression de concert "Live" que me donne la naissance d'Eva, c'est l'équipe me rejoignant au fur et à mesure, à la manière d'une improvisation: quelqu'un joue de la guitare et, dans la reprise, s'ajoutent batterie et basse. Le récital s'est terminé avec la fin de la diffusion TV. Nous n'entrions dans le scénario suivant qu'une fois le précédent achevé. Cela prenait plus de temps qu'une oeuvre normale. Lorsque nous finissions un scénario, nous le vérifiions par rapport aux précédents. Quand on se disait: " Ah! Je m'en doutais, ça foire ici", on rectifiait sur le story-board. De fait, le dernier épisode se rapprochant, nous n'avons même pas pu l'achever à temps."

En conclusion, Evangelion a deux faces: une face narrative, et une autre qui serait comme un documentaire en direct sur l'état d'âme propre de Hideaki Anno. Ce refus de se mentir à soi-même à propos des choses que l'on veut réaliser est montré par l'ombre de l'influence de sa volonté de fer.


Le réalisateur Anno a influencé Eva en faisant apparaître ses propres "problèmes de coeur"...

"La raison pour laquelle le personnage principal a quatorze ans est qu'il n'est plus enfant, mais pas encore adulte. Il vit seul, mais vit raccroché aux autres. Quelques siècles dans le passé, et il fêterait bientôt sa majorité. A cette époque-là, l'espérance de vie étant de cinquante ans, on devait s'émanciper à quatorze ans environ. Aujourd'hui, on vit plus de soixante-dix ans, et bien que la majorité au Japon soit à vingt ans, la plupart des gens dépendent encore de leurs parents à cet âge. On peut se demander si ce ne sont pas les parents qui les rendent dépendants, ou, pour les parents, quand ils doivent fixer l'âge de la majorité. En considérant "quatorze ans" comme l'âge où apparaît une indépendance d'esprit, j'ai trouvé opportun d'inclure cela à mon oeuvre."


Le "Plan de Complémentarité de l'Homme" est une allégorie du monde de l'animation.


"En parlant d'improvisation, lorsque j'ai sorti le "Plan de Complémentarité de l'Homme" qui apparaît dans le deuxième épisode, et qui allait devenir le fuseau de l'histoire, je n'avais encore aucune idée de ce qu'il devait "complémentariser" (NdT: le terme japonais est "Hokan", ce qui signifie littéralement "combler un vide"). C'est juste un coup de bluff verbeux (rires). Dans l'univers d'Eva, la population humaine a été divisée de moitié, mais en guise d'aphorisme, on peut dire que les mondes où la population a diminué de moitié sont typiques des dessins-animés. Je pense que les mondes isolés et taillés en pièce où, à cause d'une catastrophe du passé, l'humanité a été décimée, sont caractéristiques de l'animation japonaise."

A propos, M. Anno a déjà fait une comparaison analogue voilà deux-trois ans. Dans le monde de Gundam imaginé par le réalisateur Yoshiyuki Tomino, Charles qui, tel Don Quichotte, se débat pour libérer les gens enfermés dans l'univers des Space Colony (les compagnies d'animation), est l'incarnation du réalisateur. Dans Eva, les généraux de l'armée régulière ne parviennent pas à détruire une forme qui s'approche, et font appel au groupe d'amateurs Nerv (le réalisateur Anno au centre de Gainax)... Le transposer ainsi est plutôt intéressant.

"Vraiment ?... Eh bien, quel que soit le point de vue, la Nerv est un groupe d'amateurs. Ça ressemble à une armée, mais ça n'en est pas une. Je n'ai pas voulu en faire une troupe militaire. J'ai trouvé bizarre que les magazines d'animation réajustent l'image de Misato en écrivant d'elle qu'elle est une "militaire habile". Je pense qu'elle est plus habile pour bien d'autres choses... Si elle est compétente, il ne faut pas le dire aux militaires ! D'où qu'on les regarde, ses stratégies sont un peu au petit bonheur la chance. Ce n'est que du bol. Sincèrement, la seule personne qui planifie un tant soit peu ses stratégies est Ritsuko. Concernant Misato, c'est un être confondant l'objet et le sujet, et en arrangeant les choses, elle me ressemble en bien des points... Malgré ce qu'a écrit Masami Yûki en citant l'épisode 7, dans votre numéro de février, elle n'est pas si intransigeante, tout comme la Nerv."

Maintenant, synchronisons-nous sur le monde imaginé par Anno, à Tokyo-3 en 2015. La ville sans ombre de vie (le monde de l'animation) est devenue un petit peu plus gaie grâce à l'arrivée d'immigrants ayant vu Eva.

Mais d'autre part, c'est un fait, l'anime-fan à l'intérieur d'Hideaki Anno sent monter la frustration...


Le problème du "coeur" est né avec la société de confort.

Nous approfondirons plus tard ce qui peut manquer aux gens.

Le Plan de Complémentarité de l'Homme est un terme qui a une allure très "S-F". En fait, sa véritable fonction était la "complémentarité des manques du coeur" des gens de notre époque. Nous n'avons pu cacher notre franche surprise devant un tel concept. Au début de la série, il ne venait à l'esprit de personne d'imaginer "la chose qui manque aux gens". Quels ont pu être les tiraillements intérieurs du réalisateur, avant de pointer cette chose comme étant le "coeur" ?

"A propos du problème du coeur, je n'en ai pas pris conscience immédiatement, mais une partie du Japon et de l'Amérique peut satisfaire la plupart de ses désirs, non ? Je pense que c'est un problème qui est apparu après avoir trouvé une certaine sérénité. Par exemple, certaines personnes, d'un matérialisme extrême, ne réfléchissent pas du tout au fait de savoir s'ils se font détester des autres ou non. Je pense que l'on doit vivre plus fondamentalement. Dans notre sécurité matérielle actuelle, le problème du coeur devient donc un sujet d'actualité. En faisant Eva, finalement, j'en suis arrivé là, pour de nombreuses raisons que je n'ai pu détailler. Mais en ce qui concerne les histoires originelles des épisodes 25 et 26 (les derniers), j'ai pu finir l'épisode 25 en ce qui concerne le scénario. Malheureusement, j'ai dû abandonner l'épisode 26, encore au stade de simple plan. Je retravaille les épisodes 25 et 26 qui seront en vente en LD et vidéo l'année prochaine, mais concernant l'épisode 26, ce sera une révision complète, pour qu'il soit plus "visuel". Je vais le refaire en destructurant le plan original."

"Les épisodes 25 et 26 diffusés à la TV reflètent exactement mon état d'esprit à l'époque. Je suis donc très satisfait. Je ne regrette rien."


Le message contenu dans les derniers épisodes controversés d'Eva.

Le 4 mars, après la fin de la postsynchronisation de l'épisode 25. A l'initiative des doubleurs, l'équipe technique, qui rassemblait les restes de l'épisode 26, est invitée à une "fête d'adieu" près du studio d'enregistrement Tavac, à Okubo, Tokyo.

"A ce moment là, le scénario du dernier épisode n'était pas encore achevé. Il le sera la semaine suivante. En substance, il restait trois jours sur le planning. Mais en fait, je n'avais pas besoin de faire de dessins pour représenter ma vision des choses. La vérité, c'est que j'aurais été bien content de m'expliquer oralement. J'aurai pu le faire, mais, heureusement, on a refusé. Sans celluloïdes, nous avons fait exprès d'utiliser de cette façon les dessins du story-board. Ce n'était pas une question d'avoir le temps ou non. En tout cas, nous sommes parvenus à nous dispenser de l'animation au celluloïde. Les celluloïdes sont des arguments symboliques. Après avoir dessiné Asuka au marqueur, lorsque Yûko Miyamura lui a prêtée sa voix, c'était plus que jamais Asuka. J'en étais venu à me détester lorsque je m'attardais sur les celluloïdes. Mais cela ne signifie pas non plus passer au dessin par ordinateur. Je voulais faire entendre par là que, pour le dessin-animé en tant que moyen d'expression, faire du dessin au trait, ça fonctionne. Je voulais dire quelque chose à ces imbéciles heureux qui ont des expressions du style: "puisque c'est pas du cellulo, c'est inachevé" ou "parce que c'est pas du cellulo, c'est fait à la va-vite". Cela m'a libéré, de détruire coûte que coûte le genre d'idées reçues que je possédais moi-même. Avec le préjugé selon lequel on ne peut pas utiliser autre chose que des cellulos pour représenter des personnages, on en est finalement arrivé au fétichisme... La première fois qu'on a essayé, c'était par ce que racontaient les "lignes" de l'épisode 16. Un dessin-animé est composé de simples signes et donc, dès le départ, c'est un faux monde, non ? Rien qu'une illusion d'optique. Personne n'irait s'imaginer que c'est un documentaire. Mais essayer d'intégrer au film un aspect documentaire, c'est mon sentiment personnel de "Live". Je pense que les procédés de destructions de ces signes sont rares dans les dessins-animés qui passent à la TV. Lorsque nous avons diffusé nos dessins au trait, des gens du milieu nous ont traité de bâcleurs, alors qu'il était impossible de voir cela comme du travail bâclé. Ne pas faire attention à l'intention de faire de ce travail de trait une "représentation", cela implique qu'il n'y apparaît aucune idée, aucun concept. Dans ces conditions, le dernier épisode ne sortirait pas du cadre d'un concours d'aphorismes... Je pense, moi, qu'en portant un regard méthodique, il y aurait peut-être autre chose..."

Le 26ème épisode, qu'une partie des fans purs et durs a rejeté... Bien sûr, il est vrai que des fans ont ressenti de la frustration, par l'absence de continuité avec l'histoire originelle. Sur la messagerie informatique, entre autres, on a pu lire de nombreuses critiques virulentes. Mais c'est aussi un fait : les spectateurs qui ont regardé le dernier épisode (ayant enregistré un record d'audience) se sont exclamé "Evangelion, c'est vraiment génial ! ".

"Parmi les personnes qui utilisent la messagerie informatique, nombreux sont ceux à avoir l'esprit obtus. Parce qu'ils sont enfermés dans leur chambre, ils retiennent la vision qui se diffuse à travers le monde entier."


Ce qu'il faut savoir pour ne pas prendre les Animé-Fans pour des imbéciles.

"Mais ceci ne dépasse pas le stade de la simple "information". Une information sans réflexion, qui fait croire que l'on sait tout. Cette complaisance n'est rien qu'un piège. De plus, le sens des valeurs qui s'oppose à cette information s'en trouve paralysé. Et on en arrive à la démagogie. Par exemple, quelqu'un cite mon nom en disant "Anno a clamsé". Si cette personne était à côté de moi, peut-être la frapperai-je. Sur la messagerie informatique, quelqu'un peut toujours apporter une réfutation, mais tout cela reste du niveau de graffitis de chiottes. On a pas besoin de signer. Ça arrive tranquille directement chez soi. C'est tellement pratique, que des gens sans remords utilisent ça sans s'arrêter. Évidemment, tous les utilisateurs de la messagerie informatique ne sont pas comme ça. Mais comme il est très difficile de trouver des personnes honnêtes, je ne suis pas suffisamment libre pour y consacrer du temps. J'ai juste envie de dire "revenez à la réalité et apprenez à connaître le monde". Par exemple, lorsqu'on a décidé de refaire les épisodes 25 et 26, la nouvelle s'est vite répandue à partir du serveur de Gainax sur tout le réseau. Si nous n'avions pas annoncé la couleur, des rumeurs complètement farfelues auraient vu le jour. Mais en révélant l'information, plein d'affirmations incohérentes du style "ils font ça pour l'argent" nous sont arrivés dans la figure. Je me suis rendu compte de ma propre hypocrisie quand je me suis laissé convaincre que, ne connaissant pas notre raison financière, ce genre de propos n'était que justice. Quoiqu'on dise, je ne pense pas qu'on puisse voir d'autres points négatifs dans Evangelion ! (Rires) En ne faisant pas attention aux idées puériles qu'on leur soumet, on prend les anime-fans pour des imbéciles. Ils ne sortent pas de leur univers. Ils s'y sentent en sécurité. Ils n'ont rien de solide sur quoi s'appuyer en eux. C'est pourquoi j'ai essayé de partir à la rescousse de l'animation japonaise. Je ne dit pas, comme Terayama, de "jeter ses cahiers et fuir la ville", mais de sortir de la ville et d'aller à la rencontre des gens. Qu'est-ce qui me permet de dire ça ? Eh bien j'ai remarqué ce qui me manquait à moi, dans mon for intérieur. Pendant vingt-et-un ans j'ai été anime-fan, et maintenant, à trente-cinq ans, je le remarque avec peine: je ne suis qu'un honorable crétin (rires)."

C'est à contrecœur que l'entretien arrive à son terme. Il y a encore beaucoup de choses dont il faudrait parler. Nous réfléchissons actuellement aux suites qu'il faudrait donner à cette interview avec le réalisateur ANNO Hideaki. Nous désirons la poursuivre dans le supplément spécial du prochain numéro.

Sans doute vous aussi désirez discuter avec ANNO Hideaki. Vos lettres et cartes postales au New Type seront les bienvenues, qu'elles contiennent questions ou avis critiques. Le réalisateur réagira sûrement à leurs propos lors d'une prochaine entrevue.

©Newtype/Kadokawa Shôten - 6/1996

 

 

 

ENTRETIEN AVEC ANNO Hideaki - SEPTEMBRE 1997


" Plus qu'un discours, Eva est un cri. Le cri de gens qui vivent dans la frustration. "

Evangelion enfin achevée !!

Eva a été plantée dans le monde de l'Anime par ANNO Hideaki. Le dernier film Air/Magokoro wo, kimi ni à peine achevé, il s'apprête à se lancer dans un film live, Love&Pop (Sortie en salle, Janvier 98), sans même montrer signe de fatigue après son travail de longue haleine. Que pense-t-il, que prépare-t-il ? Le réalisateur ANNO Hideaki nous explique le présent, et l'à présent...


Eva terminé, on remballe.

- La fin cinématographique d'Eva est enfin achevée. Dites-nous franchement quels sont vos sentiments.

ANNO: Simplement le sentiment que c'est fini. Et que je vais pouvoir me mettre à autre chose.
Seulement, c'est le deuxième terme que je mets à ce titre, et ce n'est pas le même. Toute l'équipe et moi-même allons nous atteler à d'autres tâches, et Eva ne fait plus partie que du passé pour nous. Toute l'équipe avait l'air contente à la sortie de la projection privée, alors c'est parfait. Mes sentiments à moi sont contenus au début de ce nouvel épisode 26. Il n'y a aucune tromperie. En réalité, je vous le dis: c'est la vérité.
Toutes mes pensées sont tournées vers mon film live. J'ai donc tout oublié de ce qui concernait Eva. J'efface tout au fur et à mesure, une sorte de retour aux sources.

 


- Eva, particulièrement vers la fin, abordait le thème de la communication entre les hommes, mais le message de la version cinématographique a-t-il porté ses fruits ?

ANNO: Je crois qu'il y a un condensé de malentendus à propos de ce film, et pas seulement à propos de sa plastique. Le cinéma est le médium où tout doit être simplifié à l'extrême, et c'est extrêment contraignant. Il s'agit d'adapter l'oeuvre afin qu'elle soit comprise par tous, et Eva, par moment, casse ce principe. Car ce n'est pas une adaptation. On peut toujours dire que la technique m'a fait défaut, mais en vérité, on m'a acculé. Finalement, plus que du discours, Eva se rapproche du cri. Il est donc imbécile de dire qu'il y a un quelconque message.

 


- Pourtant, à la fin de la série, vous nous aviez déclaré que les anime-fans doivent revenir à la réalité.

ANNO: Disons que j'aurais mieux fait de me taire.
Je me suis mêlé de ce qui ne me regardait pas en disant cela à des gens qui justement aiment les anime pour s'éloigner à tout prix de la réalité, sans parler du monde de la profession qui a estimé que je sciais la branche sur laquelle il est assis: je me suis fait copieusement insulté de toutes parts. Ma motivation c'est que je voulais prévenir à ce moment précis ceux qui avaient un autre angle de vue des pièges du petit monde de l'anime et de la messagerie electronique.
C'est clair: les anime-fans et la profession ne sont pas du genre à vouloir se remettre en cause. Mon travail et Eva elle-même ne sont donc que des produits intolérables. J'aurai mieux fait de constater, comprendre ma situation aux yeux des autres. J'aurai au moins voulu savoir que cela se ressentait ainsi aussi bien depuis le dehors de la coquille d'un anime-fan.

 


- Comparé à vos oeuvres précédentes, Eva est fortement imprégnée de vos propres réflexions.

ANNO: Du point de vue de ces personnes pour qui écrire que l'on s'est fait rejeté par les autres n'a pas d'importance, mon travail est certainement le comble de la stupidité. Dans une marginalité obscure qui dura 10, 20, 30 ans, nous ne pouvions que crier « moi ». Nous sommes dans une époque de solitude, où l'existence de l'individu ne se justifie que par sa reconnaissance par les autres.

 


- Avez-vous vous-même le sentiment d'être sorti de la « coquille » d'Eva ?

ANNO: Je ne peux sans doute pas en sortir. J'ai simplement l'impression que l'intérieur de la coquille s'est élargi. Peut-être est-ce parce que la coquille est cassée.

 


- Pourquoi le film s'achève-t-il ainsi ?

ANNO: J'estime qu'il n'est pas facile de retranscrire les intentions d'un film par des mots, et que si tel n'était pas le cas, il serait plus simple de ne pas faire de film.


Ce qui s'est éveillé avec Love&Pop

- La sortie de votre premier film est prévue pour janvier prochain (Love&Pop, tiré de la nouvelle de Murakami Ryû, contant les relations de soutien matériel d'étudiantes [Les "relations de soutien matériel" (Enjo kôsai) désignent les relations sexuelles qu'entretiennent de jeunes filles avec des quinquagénnaires, afin d'obtenir des compensations matérielles. Le terme "prostitution" étant jugé trop culpabilisant, on parle dans ce cas de "relations de soutien matériel", mais le sens est sans équivoque:NdT]); est-ce Murakami Ryû lui-même qui vous a demandé de vous charger de la réalisation ?

ANNO: Non, c'est moi qui ai pris l'initiative. Lorsque j'ai lu sa nouvelle, j'ai eu envie de l'adapter.

 


- Pourquoi avoir choisi Love&Pop ?

ANNO: Parce que cette nouvelle était potentiellement réalisable. Il y a eu aussi énormément de facteurs extérieurs, comme la disponibilité des participants, en période de vacances d'été, ou encore le peu de nécessité financière qu'engageait la production de Love&Pop.
Il y a enfin des raisons personnelles: à titre d'exemple, je pensais que la transposition de la nouvelle dans une nouvelle forme, par exemple un film, et ce par l'intermédiaire du cinéma, était un véritable challenge.

 


- Et le thème des relations de soutien matériel ?

ANNO: Pas vraiment. J'avais entendu de temps à autres des trucs à ce propos, mais je ne m'intéressais guère à ce problème. Ma thématique principale était l'élaboration elle-même: je ne connais rien aux modes. Peut-être que puisque je suis comme ça, je vais plaire aux étudiantes (rires).
Mais parce que justement je ne sais rien, je peux adopter un ton neutre. Si je décidais de caricaturer les jeunes filles d'aujourd'hui, ce serait un échec.

 


- D'un point de vue esthétique, quel style allez-vous adopter ? Y avez-vous déjà réfléchi ?

ANNO: Je débranche ma tête, et je ne dois surtout pas y songer. Seulement, je trouve que la ville de Shibuya n'a aucun charme, et ça me pose un problème. Je m'accroche à ça comme point de départ, et je n'ai plus qu'à poursuivre. Le tournage n'a d'ailleurs pas encore commencé (nous ne sommes pas encore en août).

 


- L'élaboration d'un film et celle d'un dessin-animé divergent-elles totalement ?

ANNO: Oui, totalement. Un film est une véritable épreuve physique, où il faut prendre les bonnes décisions aux bons moments. Parce que ce que la lentille de la caméra ne capte pas n'apparaîtra jamais. Il ne s'agit pas de construire des images, mais de les laisser venir. La position du réalisateur change elle aussi. C'est en tout cas une excellente expérience.

 

Continuer coûte que coûte

 

- Eprouvez-vous l'envie de vous éloigner du cinéma et faire autre chose ?

ANNO: Non, pas le moins du monde. Peut-être n'ai-je pas beaucoup d'intérêt vis-à-vis de ma propre vie. Je n'adore pas la nourriture, je ne fais ni le ménage, ni la lessive. Je porte les vêtements et les jettent. J'achète des t-shirts et des jeans à la superette près de chez moi, et après les avoir porté une fois, je les jette. Je n'ai pas vraiment la sensation de vivre (rires).

 


- Vous avez à peine fini la longue série d'Eva, et en moins d'un clin d'oeil, vous réalisez un nouveau film. Vous êtes plein d'énergie.

ANNO: J'ai pensé pouvoir continuer, étant donné qu'il s'agissait d'un travail basé sur une idée de Hito, et que la méthodologie serait celle d'un film live. En tout cas, j'avais l'envie de continuer tant que la possibilité s'en présenterait. Parce que pour l'instant, je n'ai rien d'autre. Je n'ai pas d'obligations familiales, et n'ai pas envie de m'éloigner des préoccupations de mes contemporains. La solitude est aussi mon lot, mais je dois continuer, et je continuerai. Peut-être est-ce la période ou jamais, pour moi, de faire des choses qui resteront.

 


- En tant que réalisateur, avez-vous une direction à suivre, un endroit à atteindre ?

ANNO: Mmm... Non, en fait. Si j'avais un véritable objectif, ce serait emmerdant. Car dès qu'on arrive à cet objectif, c'est fini. A moins bien sûr de trouver un autre objectif. Mais s'il n'y en a pas d'autres ? Non, je préfère me laisser guider, dans un combat incessant.

 


- Que cherchez-vous, au travers de vos oeuvres ?

ANNO: Je me le demande. Je crois que je cherche par le biais de la réalisation. Peut-être.


©Newtype/Kadokawa Shôten - 9/1997

 

 

COMMENTAIRES SUR LES INTERVIEWS


Plusieurs messages à retenir dans ces interviews:

Hideaki ANNO revient sur l'engouement à nouveau croissant des anime-fans mais aussi du grand public pour l'animation au Japon, tout en précisant bien que ces anime-fans ne sont pas à la recherche du même type d'anime que le reste de la population.

L'élaboration d'Evangelion s'est faite par étape: chaque étape devait être terminée avant d'envisager la suivante, qui greffe de nouveaux éléments par au dessus de ceux déjà apparus. Une question d'inspiration, quoi...

Pour Hideaki ANNO, la NERV est "un groupe d'amateurs", qui intervient dans le domaine des professionnels (l'armée des Nations-Unies) suite à l'échec de ceux-ci. Une métaphore pour désigner la "mission" que se donne le studio GAINAX, initialement constitué, faut-il le rappeler, d'amateurs, de fans, au milieu des pros de l'animation et de la production de masse. Se comparant à Misato, ANNO se dit être quelqu'un de chanceux, agissant "au feeling" en fonction des évènements.

En ce qui concerne l'aspect formel des épisodes 25 et 26 de la série, ANNO explique que, d'un point de vue scénaristique, seul l'ép.25 a été terminé à temps. L'ép.26 n'en était encore qu' à l'état de plan. Par manque de temps, en tout cas en partie, ANNO a dû renoncé à travailler sur cellulo. Mais loin de regretter cela, il en est extrèmement content. Parce que cela l'a libéré d'un certain nombre d'idées reçues, notamment sur le caractère indispensable des cellulos dans l'animation. Egalement parce que cela lui a permis d'inclure une dimension plus personnelle à son oeuvre, en privilégiant le message à la forme. Raison pour laquelle il s'indigne contre ceux qui, parmi les gens du milieu de l'animation, l'ont accusé d'avoir bâclé la fin de sa série, sans se demander quelles idées il pouvait bien y avoir derrière ce type de représentation.

En ce qui concerne la réaction des fans, ANNO se veut clair. Les otaku, qui sont les principaux expéditeurs des mails virulents reçus par le studio, n'ont en effet pas apprécié la fin de la série, critiquant le manque de continuité avec le reste de la série, et l'absence de réponses à un certain nombre de questions qui restaient en suspens. ANNO critique le fait que ces réactions sont toujours anonymes et que leurs auteurs tombent ainsi dans la facilité. Constamment enfermés chez eux, partagés entre leur ordinateur et leurs animes, les anime-fans ne sortent pas de leur univers, dans lequel ils se sentent en sécurité. Ils sont pris pour des imbéciles. Ce que voulait ANNO, c'est faire comprendre qu'un des rôles de l'animation japonaise devrait être d'ouvrir ces otaku sur le monde. Non pas en leur faisant fuir les anime, mais seulement en les incitant à aller voir également ce qui se passe ailleurs, pour rencontrer des gens, et nouer de véritables relations humaines. Ayant lui même été fan d'anime pendant 21 ans, ANNO parle en connaissance de cause: ces réflections reposent en effet sur son propre passé d'otaku.


Dans l'interview de 1997, ANNO revient sur ces déclarations, qu'il dit regretter, tout en continuant à les penser: en effet, comment demander aux anime-fans de sortir de chez eux pour affronter la réalité, alors que justement ils regardent des anime pour échapper à cette réalité? Quant aux professionnels, certains ont estimé qu'ANNO "sciait la branche même sur laquelle il était assis", c'est à dire qu'il cherchait à changer la chose même de laquelle il vivait. ANNO constate donc que les anime-fans et les professionnels de l'animation détestent se remettre en cause. En ce sens, il considère son travail et Eva comme intolérables à leurs yeux, parce qu'il est stupide de crier que l'on a été rejeté à ceux qui sont justement à l'origine de ce rejet.

En conclusion, et ce qui suit me sera tout à fait personnel, je dirai qu'ANNO me semble être quelqu'un d'assez particulier. Il se sent (probablement à raison, mais peut-être pas autant qu'il le dit quand même) comme une victime, rejetée par ses pairs. Il semble mieux assumer ses actes que ses opinions, peut-être parce qu'il n'a pas le choix, et être assez peu ouvert aux critiques: lorsqu'elles sont négatives, il s'indigne; lorsqu'elles sont positives, il déplore qu'elles ne soient pas fondées. Il n'empêche que c'est un travailleur acharné, passionné par ce qu'il fait, et que ses productions, Evangelion en tête, auraient plus de choses à apprendre qu'à envier à celles des professionnels de l'animation, qui pour certains le désapprouvent si vivement. Pour résumer, je dirais qu'ANNO est un mec très doué, mais qui comme tous les artistes est un peu excentrique (il n'y a qu'à voir la réaction de Miyazaki suite à Mononoke Hime - voir les différents AnimeLand s'y rapportant) et un tout petit peu trop égocentrique... Espérons toutefois que ses oeuvres à venir, pour le studio Ghibli, seront d'une aussi bonne qualité qu'Eva, qui à mes yeux reste ce qui s'est fait de mieux en matière d'anime à l'heure actuelle.